Return / retour

 

 

 

contact@nschneider.fr
Skype: psychotikriver
Facebook
0033 (0)6 19 54 39 07

 


 

 

©nschneider2012

nicolas schneider

L'EAU EST

Au-delà des mythes, au-delà des textes religieux et des pratiques afférentes, au-delà des rituels initiatiques ou purificateurs, au-delà de la symbolique, du mysticisme, de tout romantisme poétique et de l'écologisme, au-delà de la délectation des uns et de la phobie des autres, au-delà de l'imaginaire populaire et des dictons, l'œuvre de Nicolas Schneider entretient avec l'eau une relation profonde. De l'eau, référence majeure de sa démarche depuis des années, nous retiendrons ici les spécificités formelles et physiques qui, à force d'évocations et de recours, en viennent à concerner directement tout l'oeuvre. L'eau est le fluide. L'eau est le transparent. L'eau est le trouble. L'eau est le polymorphe.

LE FLUIDE
La pratique artistique de Nicolas Schneider peut aussi bien être dormante, stagnante, que courante. Dormante, la démarche artistique de Nicolas Schneider se décante d'elle-même, ce temps discernant comme par précipitation des valeurs au sein du corpus. Stagnante, elle se concentre et, sans remoud, génère éventuellement de nouvelles hypothèses, de nouveaux principes, un nouveau potentiel dynamique. Courante, alors véloce, elle creuse son lit, et déborde, et s'ouvre de nouvelles perspectives ; elle laisse émerger et propulse à flot et révèle des objets neufs, polis et profilés. Les œuvres.

LE TRANSPARENT
Pour visuelle qu'elle soit supposée être, l'œuvre de Nicolas Schneider prend pourtant bien souvent le risque de l'invisibilité sinon de l'immatérialité. La quasi-invisibilité advient pour partie du fait de la transparence des matériaux impliqués. De l'eau dans du verre : à cet égard les Dormants * et leurs verres soufflés conjugué à l'eau qu'elles peuvent contenir sont doublement significatifs.
D'autres pièces tridimensionnelles, les Dérives*, également basses et disposées à même le sol, peu spectaculaires en dérogeant ainsi à 1a traditionnelle érection sculpturale, exploitent sur de fins châssis d'acier, la transparence -mais aussi l'effet de surface miroitante- du verre minéral ou organique partiellement travaillé en bas relief évanescent. Ces pièces dont le verre ne recouvre pas totalement 1a châssis opèrent en outre un distinguo entre la transparence et l'absence. De verre minéral ou organique, les supports des premiers Instants de paysage*, évaporations d'eaux préalablement prélevées, sont également transparents. Les évaporations Instants de paysage* plus récentes, réalisées sur des plaques opaques blanches, frôlent elles aussi l'invisibilité tant elles ne proposent presque rien sur de grandes surfaces. Comme les Instants de paysages transparents, elles mêlent à leur surface aux restes déshydratés les reflets aqueux de l'environnement d’expositions et l'image du spectateur parfois. La visibilité de vidéo-météo*, projection dans un espace soumis aux variations de la luminosité naturelle, est quant à elle conditionnée par l'assombrissement du ciel symptomatique de l'imminence d'une ondée. Les images de la vidéo retraçant la fabrication hésitante et laborieuse d'un petit bateau en papier n'apparaissent qu'en cas de temps pluvieux lorsque l'eau faite nuage et averse, bien que transparente, parvient à atténuer la luminosité solaire.
De transparence et d'invisibilité, il est aussi éminemment question avec Prochaine sortie*, proposition collective et lauréate de Nicolas Schneider, Isabelle Pépin, architecte paysagiste, et Jean Poinsignon, musicien, dans le cadre d'un concours d'aménagement paysager d'un tronçon autoroutier. Plutôt que d'implanter du visible-tangible en bordure de chaussée, les auteurs ont, par le biais d'une composition enregistrée sur bande magnétique destinée à l'autoradio, importé à l'intérieur du véhicule l'environnement sonore recomposé des paysages traversés. Ainsi, exceptionnellement, l'espace public, par le son, investi l'espace privé de l'habitacle. Ainsi, le dispositif, par contraste à l'habitude, révèle-t-il l'isolation, la démarcation, que constituent les surfaces vitrées malgré leur transparence. Dérogeant par ailleurs aux conventions d'un art public sculptural et monumental. Prochaine sortie est immatériel et plaque ses ondes sonores en transparence sur l'environnement visible parcouru.

LE TROUBLE
L'intérêt constant de Nicolas Schneider, l'individu, pour l'eau restera inexpliqué et la motivation de l'artiste attribuant à cet élément une place centrale dans son oeuvre aussi trouble. Le corps de l'oeuvre lui-même, par ailleurs, est marqué par des influences, semble résulter d'affluents, de sources contrastées. Chaque œuvre, tel un confluent, est trouble de ses origines encore mal mêlées. Déjà plus l'un ni plus l'autre, elle n'est pas encore tout à fait tierce. Ainsi, se chahutent ici et là sans jamais se dissoudre minimalisme et baroque, conceptualisme et romantisme, constructivisme et héritage cagien,...

LE POLYMORPHE
Enfin, si ces courants parmi d'autres traversent et agitent tout l'oeuvre, ils finissent par sédimenter des formes très diverses. Alors peut-on rapprocher une aquarelle, un tableau d' "évaporation", une "sculpture" transparente, un dispositif sonore, un agencement mural, un texte et un tirage d'image numérique. Solide, liquide, gazeuse peut être l'eau.

Alexandre Bohn, novembre 2003.