TROIS LIEUX + TROIS DATES + DEUX ARTISTES = TROIS EXPOSITIONS


De Nancy à Metz via Strasbourg et de septembre à décembre 2010, Nicolas Schneider et Antoine Lejolivet nous offrent une promenade. A prolonger dans sa globalité physique et temporelle, comme un paysage parcouru au fil du temps, au fil de l’eau. Mais le paysage envisagé ici est autant site que point de vue. Il refuse les modèles pré-existants de ce genre bien défini, l’illusion de « la fenêtre ouverte sur le monde », et évoque plutôt ces profondes mutations qui bouleversent notre espace contemporain. Pour le traduire, les moyens plastiques choisis et la scénographie pensée par les deux artistes conjuguent et entretiennent des rapports sensoriels entre formes et couleurs, entre dessins et objets, où tout suscite émerveillement et émotion. Car c’est bien d’émotion et de plaisir dont il s’agit quand on pénètre dans leur atelier strasbourgeois. Un travail partagé, mais deux univers bien différents, deux caractères qui s’observent, discutent, échangent, pas forcément complémentaires, des oeuvres distinctes mais rendues cohérentes par des préoccupations identiques et surtout un plaisir jubilatoire dans le faire, une grande fraîcheur, des envies et beaucoup, beaucoup d’enthousiasme.
A considérer le terrain stricto sensu des moyens plastiques utilisés, l’eau pour l’un, la lumière pour l’autre, les grands formats aquarellés aux titres significatifs (Entre les gouttes, Zone d’évaporation) ou les environnements sonores et lumineux (Constéllidoscope), on ne peut que constater la prépondérance de la question du paysage. Leurs oeuvres sont des morceaux de paysage, d’une nature observée ou pensée, et présentées comme les parties d’un monde utopique et imaginaire.
Fluidité, écoulement, élasticité, dérive sont les notions qui régissent leur travail respectif et le dessin, comme médium, devient l’outil nécessaire et indispensable de leurs propos. Pour l’un, il se fait tache ou trace, instable et dénué de toute orientation, léger laissant sur le papier des signes furtifs ou au contraire des masses sombres. Peut-on parler de paysages mentaux ? Et pour l’autre, il est structurel, graphique, presque analytique mais la fragilité et l’économie du trait transforment l’objet représenté en un autre « possible ». Sont-ce les utopies de notre monde ?
Si le dessin reste le moyen privilégié, les processus de fabrication, eux, diffèrent, créant des surprises, provoquant des rencontres de formes et d’idées.
Nicolas Schneider dessine énormément, quotidiennement, et depuis toujours. A partir de petits dessins confinés dans ses carnets, il réalise de grandes peintures aquarellées sur papier, et agrandies au format XXL. L’alchimie entre l’eau, le pigment et le support est spectaculaire. Il y a quelque chose de mystérieux dans le surgissement des macules sur la surface. L’eau est à la fois matière et sujet et les formes aléatoires qu’elle dessine apparaissent fluctuantes, changeantes. Rien n’est dit, mais ce qui se passe dans l’espace même de la feuille de papier invite à la réflexion et bouleverse nos certitudes pour laisser la part belle au rêve. Ce que renforcent la qualité des monochromes et la vivacité des couleurs (une expérience mentale puisque l’artiste est daltonien). Comprendre, n’est-ce pas également se laisser surprendre et se laisser rattraper par ses propres sensations ?
Chez Antoine Lejolivet, le dessin obéit à des modalités graphiques différentes. Le tracé prime, le trait clair est sans rature. L’économie de moyens vide la représentation de son sens et fait basculer dans l’absurde ou l’irrationnel : la maison devient boîte et la guirlande de Noël dessine le coucher de soleil. A partir d’une découverte, d’une observation, souvent d’ordre scientifique, le projet nait, prolifère, se transforme à l’infini, sans contrainte de formes puisque l’artiste oeuvre dans toutes les catégories (sculpture, installation, performance, vidéo, numérique, photographie, dessin, travail en duo avec Paul Souviron…). La lumière est au coeur de ses préoccupations, elle a le pouvoir de rendre visible, de transformer, et surtout d’éblouir, le temps de son apparition. Comme dans l’univers, rien n’est fixe ni dans le lieu, ni dans le temps, les formes flottent, le temps est élastique. L’artiste brouille nos repères en posant et re-posant sans cesse les questions d’échelle et de temps.
Les trois expositions se suivent et ne se ressemblent pas. Les artistes, par ailleurs « régisseurs d’expositions » à l’Ecole supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, ont mis en place des scénographies efficaces. Au-delà du simple agencement spatial, ils ont choisi de jouer avec le temps. Le temps de la contemplation, face aux grands dessins, celui étiré, à peine perceptible, devant les volumes animés et les caissons lumineux.
Le paysage s’offre aux yeux de l’observateur comme un espace de la nature appréhendé de manière littérale ou fictionnelle. Des images au fil de l’eau, des objets qui racontent des histoires singulières, un coucher de soleil, une bonne dose de travail et surtout de la gaieté.
Une fois n’est pas coutume, laissons-nous embarquer…..
Roselyne Bouvier
Août 2010

 

 

 

 

 


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